top of page

Le paraître 

« La vie humaine n’est qu’une illusion perpétuelle; on ne fait que s’entre-tromper et s’entre-flatter [...]. L’homme n’est donc que déguisement, que mensonge et hypocrisie, et en soi-même et à l’égard des autres». [1]

[1] Blaise Pascal, Pensées, Paris, Garnier-Flammarion, 1976, p. 81 [éd. crit. L. Brunschwicg].

Marivaux

  

 

     Marivaux voit l’humain en dichotomie : l’être et le paraître. Il se questionne sur ce qui se cache derrière les mécanismes de défense humains, Le bien paraître et le bien vivre peuvent servir à camoufler une vérité. Est-ce une vérité atteignable ? Pour l’auteur, l’apparence cache l’essence et la profondeur. Cette couche superficielle rend difficile l’accès aux sentiments. 

    Dès les premières rencontres avec l’équipe de production, Catherine Vidal utilise une métaphore qui porte à réflexion. Les personnages seraient comme des litchis. La coque dur du fruit est comparable à l’apparence. Son intérieur pulpeux, lui, est la sensibilité des personnages, leur vérité intrinsèque. De la coque à la pulpe, il y a plusieurs couches à peler.

 

Dans Le legs et Les sincères, les personnages sont en représentation. Leur vocabulaire

soutenu et réfléchi sert à camoufler leurs réelles intentions. L’écriture marivaudienne peut

sembler légère, mais elle contient plusieurs jeux de mots et sous-entendus. C’est dans cette

multiplicité de sens que se trouve la beauté de la langue. On touche alors à deux sortes de

discours : le discours manifeste et le discours latent. Le discours manifeste est celui en

surface. Le discours latent, lui, révèle les véritables sentiments et intentions des personnages.

C’est le sous-texte.

C’est par un travail minutieux sur les détails que Catherine Vidal cherche à définir cette dualité intérieure. C’est une forme de théâtre qui ne contient pas beaucoup d’actions. De ce fait, Vial fait aussi dialoguer les personnages par le corps. Ainsi, l’élocution est une chose, mais les mouvements peuvent venir contredire les paroles. Ce jeu entre les mots dits et les actions entreprises apporte une tension. Une dynamique est installée. 

 

    Paul Fortier, Professeur au Collège de Rimouski, a écrit un article dans le numéro 60 de la revue Tangence à ce sujet. Son article, La sémiotique corporelle de Marivaux, propose la thèse que le corps trompe la raison. Le langage non-verbal se met en place avec spontanéité et avec l’impulsion émotive. Ce qui donnerait, encore une fois, une place au sous-texte, à la vérité cachée derrière la barrière créée par le discours.     

    C’est ainsi que la grande légèreté, dans la mise en scène des Sincères, se transforme en cruauté dans Le legs. Les mesquineries et les déguisements permettent aux personnages d’arriver à leurs fins. Leurs intentions se résument au désir d’accomplir leurs réalisations personnelles. Au final, l’humain pourrait être une créature constamment masquée. Du moment que le regard d’autrui se pose sur lui, l’humain met un masque et tombe en représentation. Heureusement, les imprévus nous empêchent de tout contrôler et laissent percevoir l’humanité en chacun de nous.

bottom of page