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Dispositif scénique, le fond et la forme puis inspirations.

       Le dispositif des Sincères est celui d’une passerelle pour défilés de mode. Les personnages y sont mis de l’avant,

dans des habits reflétant une mode d’aujourd’hui. Les confrontations de styles nourrissent les rapports entre les

personnages. Dans Le legs, le décor est déconstruit pour devenir un labyrinthe à plusieurs entrées. Ces entrées multiples permettent de développer une mise en scène suggérant l’idée de souricière. 

       On reconnaît notre société dans celle que dessine Marivaux. Vidal utilise l’univers de la mode qui évoque la parade et l’orgueil. Les personnages sont obsédés par leur image, par ce qu’on en pense et ce qu’on en dit. Ils sont contents d’eux-mêmes et se comparent aux autres pour se définir. Dans Le legs, l’argent prend une place prédominante. On comprend qu’il cause problème. Lors d’un travail de table, Catherine Vidal fait une analyse à propos de la pièce Vu du pont d’Arthur Miller mise en scène en 2015 par Ivo Van Hove, metteur en scène belge reconnu internationalement. Vidal raconte que les personnages, à la fin de la pièce et sous une pluie rouge sang, s'engagent dans une lutte meurtrière qui démontrera jusqu'où la folie, la vengeance, la jalousie et le racisme peut mener. Dans Le legs, ce sont les rapports des personnages à l’argent qui créent la violence. Le thème de l'amour est récurrent chez Marivaux, dans cette pièce-ci, une dot prend le dessus sur l’amour. L'argent crée les tensions et dévoile la laideur d'une société et d'un système qui amènent les gens au mensonge, à la trahison et à la manipulation pour plus de richesses. Une cruauté que Catherine Vidal a voulu aller chercher dans Marivaux, donnant en exemple les mises en scène marquantes de Patrice Chéreau, qui ont suscité de bonnes et mauvaises critiques. D’un côté, on reproche à Chéreau de trahir Marivaux, de l’autre, on salue son efficacité à montrer cette face cachée de l’auteur. Il y a un investissement des corps dans les mises en scène de Chéreau qui entre en contradiction avec la façon traditionnelle de monter Marivaux à l’époque, en France particulièrement, où l’accent est alors sur la langue. Avec Chéreau, la beauté de la langue et la légèreté comique ne sont plus le point central. Il monte La dispute en 1973 et évince les costumes d’époque. Il opte pour des habits et des robes élégantes d’inspiration hollywoodienne. Vidal veut mettre en scène ce qu’elle appelle « l’après-Chéreau », c’est-à-dire ce que le metteur en scène a mis en lumière, le côté cruel de Marivaux qui se manifeste en sous-texte. D’ailleurs, pour guider les concepteurs de décors et véhiculer ce qu’elle entrevoit pour la production, elle partage à l’équipe cette phrase tirée du livre Patrice Chéreau : Figurer le réel, de Anne-Françoise Benhamou[1] : « Chercher une définition des images, c’est chercher à dire ce qu’elles cachent: est-ce qu’une image, ce n’est pas aussi ce qu’on n’y voit pas ? ».

 

       Le metteur en scène allemand Michael Thalheimer fait également partie des inspirations de Vidal. Dans le Tartuffe de Molière qu'il a présenté au FTA en 2013, il a judicieusement exposé une hybridité d’époques, comme le propose à sa manière Catherine Vidal dans Les sincères et Le legs.         

 

 

[1] BENHAMOU, Anne-Françoise. Patrice Chéreau : Figurer le réel. Les solitaires intempestifs, 2015.

Vu du pont par Ivo Van Hove, scénographie, éclairage et photo par Jan Versweyveld

Odéon Théâtre de l'Europe, 2015

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